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Bibliographie critique de géographie
15 janvier 2019

France : monographies régionales ou sur les villes

lecran-radar-avec-la-silhouette-de-la-france-fc4hg0(Page mise à jour en avril 2021 - 18 ouvrages référencés)

Voilà le sujet qui a complètement disparu des écrans radar !

L'étude des régions de France, des villes de France, des fleuves de France, des montagnes de France, des départements de France, des "pays" de France... partons qu'un constat : un élève de 3ème n'a jamais entendu parler, si ses enseignants appliquent les programmes,  d'"Auvergne", ni de "Périgord", ni de Montluçon, ni de Mulhouse. On voit même, si si, promis, juré, c'est vrai, bien des élèves de lycée incapables de situer sur une carte de France la région la plus identifiable, à savoir la Bretagne.

Sauvé, celui qui a la chance d'avoir été promené à travers son beau pays par des parents qui pensaient à lui dire que le ski ce n'est pas l'abstraction "Méribel" mais c'est un territoire, en Savoie, dans le massif de la Vanoise, que le-grand-pont-qu'on-traverse-maintenant il est sur la Seine, que la forêt interminable c'est les Landes, etc. Sauvé, celui qui a été à l'école avant 1990. Sauvé, le jeune qui regarde Jean-Pierre PERNAUT chaque jour. Mais pour lui faire connaitre les différents départements, régions, pays, villes de France sans subir TF1 chaque midi, il peut encore lire ce billet de blog.

 

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On peut en effet avoir moins de trente ans et être nostalgique de la géographie-aventure que la génération précédente vivait encore en parcourant la Nationale 7, ou en traversant Luxeuil une nuit d'hiver. Oui, moins de trente ans, puisque la géographie telle qu'elle est enseignée, dans le secondaire et à l'université (voir la rubrique "Géographie contournable") est extrèmement frustrante. Si vous voyez les choses comme ça, ne vous découragez pas, ce billet de blog est fait pour vous.

Pour les généralités sur les villes de France, c'est ici.

Alors oui, sur cette page il n'y a que 13 références et une méthode. Elle s'enrichira.

         Mise en garde : les monographies sont devenues le terrain de jeu des communicants

De nos jours il y a en France 3 fois plus de communicants et d'attachés de presse que de journalistes... donc en bonne logique, il y a au moins 30 fois plus de communicants que de géographes ! C'est donc à l'échelle des territoires régionaux que les géographes ont le plus de mal à présenter une vision objective et complète. Déjà que la méthode géographique peine à retrouver un consensus...

Concrètement, les monographies sont un genre en crise. Il était doux pour les géographes, le temps où il suffisait de compiler une centaine de cartes, agrémentées de quelques tableaux, sur telle ville ou telle région : le livre se vendait bien puisqu'une foule de personnes et d'institutions y trouvaient des informations préciseuses satisfaisant leur curiosité ou leur permettant de mieux travailler. A l'université, des thèses régionales donnaient du sens à un pays, à un type de paysage, à une vallée... Mais voilà, l'Internet a fait voler cela en éclats : les SIG (systèmes d'information géogrpahiques) grand public ont rendu ces monographies invendables. Elles offrent à tout un chacun des informations que le géographe n'a pas dans la tête ni parfois dans ses notes, ni sur son disque dur.

Dans ce contexte de crise, un créneau subsiste, il s'agit du beau livre édité sous l'égide (dans le meilleur des cas), ou subventionné par, ou édité directement par (dans le pire des cas) une collectivité locale. Le truc pour reconnaitre ce genre d'ouvrage est la préface, immanquablement signée d'un personnage politique local. Certes, le livre en question peut compter des informations et des pages intéressantes, c'est sûr. Mais il ne s'agira certainement pas d'un véritable bilan géographique.... même si c'est un géographe qui le rédige. La vision de l'administration qui l'édite y aura forcément une place importante et peu critique. Une caricature de ce genre de monographie, intitulée "Lille métropole" est présentée ci-dessous. Vigilance donc. 

         Guide de survie : découvrir une région à l'aide de 5 SIG

Les SIG grand public ont donc "ringardisé" les monographies. Sans eux, plus question d'entrer dans un territoire. Un peu à la manière du "guide bibliographique pour géographe perdu", réalisé pour le cas de Madagascar, voici donc une proposition de méthode, de grille d'analyse pour entrer dans une ville française, ou une région, un département, etc.

1-Vous tombez sur la fiche Wikipedia. Elle vous donne les chiffres et les données administratives essentielles, et même une photo.

2-Mais vous ne savez pas vraiment quelle est la forme du territoire, ses masses végétales ou minérales, comment l'habitat est configuré... rendez-vous sur www.geoportail.fr, sans oublier d'ouvrir différents calques (végétation, hydrologie, chemins...) et de changer d'échelle de temps en temps. Le SIG Google maps n'ayant pas les droits pour les données IGN, il ne vous informera que sur les kebabs, les attractions touristiques et les infirmiers du territoire que vous voulez pénétrer.

 

GEOPORTAIL

 

L'apparence du SIG Géoportail

3-le site de l'INSEE est une mine d'informations, mais c'est bien dommage, les moteurs de recherche ne le proposent pas. Il faut taper "(le territoire) insee" pour tomber sur 2 outils formidables : le comparateur de territoires et le dossier complet sur un territoire, qui vous donne en une page une soixante-dizaine de tableaux montrant les résultats des recensements. Avec cela, on ne pourra plus rien vous cacher sur le profil de la population, sur le niveau de richesse, de pauvreté, le nombre de résidences secondaires, le taux d'emplois, le nombre de sociétés déclarées... de nouvelles informations apparaissent régulièrement, comme récement le diagramme circulaire ("camembert") des modes transport utilisés ! Le comparateur de territoire est un outil interactif bien utile : vous habitez Maubeuge, vous apprenez que le revenu moyen (le site donne la médiane du revenu disponible, ce qui est moins violent) y est de 14 749€ par an. Mais pour vous, ça ne veut rien dire. Il suffit, dans le comparateur de territoire, de rajouter "Hauts de France" (vous tombez d'abord sur un petit problème du site, il ne veut pas vous comparer avec la France). Vous savez alors que la médiane régionale est de 18 982€. Comparez avec des villes réputées riches comme Neuilly et vous réalisez à quel point Maubeuge est mal en point.

 

INSEE

Le haut de la page "dossier complet" pour la commune de Nice

 

4-Le SIG de la politique de la ville détaille lui les quartiers prioritaires (vous savez, ces quartiers chauds, qui comme les patates chaudes ont besoin qu'on change leur nom et leurs délimitations tous les 10 ans : ZUP, quartiers sensibles, quartiers ANRU, ZEP, ZFU...). Les données de revenus y sont très détaillées : vous voulez savoir combien déclarent le quart des ménages du quartier Provinces Françaises à Maubeuge ? moins de 6€ par an.

 

SIG VILLE

Le SIG politique de la ville, centré ici sur Maubeuge

 

5-Si, il faut tout de même passer par Google pour être complet. La recherche images sur le territoire vous y fait voyager comme si vous étiez, à condition que les photos soient bien celles du territoire concerné, ce qui n'est jamais sûr. Les images sont très rarement commentées, et quasiment jamais en règle en terme de droits d'auteur. Ainsi en est-il du monde merveilleux de Google. Vous trouverez enfin sur Google Street View des images bien situées mais d'une qualité médiocre.

 

Y a-t-il encore des monographies régionales ?

Atlas Bretagne

 L'Atlas de la Bretagne de Florence GOURLAY et Ronan LE DELEZIR (cartographe Anne LE FUR - Autrement, 2013, 104p) est sous-titré "les dynamiques du développement durable" mais il faut bien reconnaitre qu'il présente la région avec la grille de lecture géographique classique. D'abord sur la délimitation de la région, l'ouvrage ne s'arrête pas toujours aux limites administratives de la région mais Nantes apparait souvent sur les cartes. Son originalité tient au fait que beaucoup de photos sont présentées (dimension patrimoniale), et plusieurs comparatifs avec l'échelle nationale sont bienvenus. La question de l'énergie, assez problématique dans ce "finisterre", est bien posée, cependant les énergies renouvelables, très approfondies, ne sont pas prètes à solutionner le problème (la double page sur les hydroliennes n'est-elle pas d'une certaine manière périmée compte-tenu des graves déboires techniques de cette expérimentation ?) 

Atlas Touraine

L'auteur de l'Atlas de la Touraine peut étonner : il y a 30 ans, Roger BRUNET était le "pape" de la géographie française, mais à une époque où les monographies régionales étaient disons mal vues, les plus anciens s'en souviennent. On n'attendait donc pas le géographe des chorèmes ici. Une seule carte modèle pourtant, qui synthétise les lignes de forces du territoire. Par "Touraine" il faut ici entendre l'Indre et Loir, avec forcément des informations fouillées sur Tours. L'ouvrage est complet (les notions essentielles y sont), et érudit (l'auteur n'oublie aucune commune !). Tout en couleurs, l'ouvrage est enrichi de cartes et de photos. (Geste Editions, 2016, 253p)

 

Atlas Berry

Ouvrage du même niveau que le précédent, Roger BRUNET présente aussi le Berry ; de manière très efficace (Atlas du Berry, Geste Editions, 2017, 288p)

CV Occitanie

BERNIE-BOISSARD Catherine, COUROUAU Jean-François, PERRIN Thomas, Occitanie - Pyrénées - Méditerranée. Portrait d'une région. Il s'agit d'un beau livre mais qui fait aussi, un peu, de géographie. Passée l'incontournable (mais regrettable) première partie consacrée à l'histoire, la seconde ressemble plus à de la géographie. Mais quelle gageure que d'essayer de donner une unité régionale à une entité administrative (l'Occitanie, donc) créée sur un coin de table à Paris en 2015 ! Les auteurs s'y essayent au mieux. La 3ème partie de ce portrait est une tentative de prospective régionale. Globalement, l'intérêt de cet ouvrage est de bien prendre en compte la dimension culturelle, voire folklorique du terrain. Mais c'est bien le seul.  Le Pérégrinateur - 160p - 2019

 

Atlas Vallée Seine

L'Atlas de la vallée de la Seine de Paris à la mer (Arnaud BRENNETOT, cartographe Aurélie BOISSIERE) emble être un ouvrage de commande, lié au projet territorial du Grand Paris, qui cherche à mieux "brancher" la capitale sur la mer. On s'en rend compte dès l'introduction du préfet délégué au projet, François PHILIZOT. On ne s'étonne donc pas que toute la partie amont du fleuve, au dessus de Paris soit tellement négliée (ce qui est annoncé par le titre, mais elle n'est pas totalement ignorée cependant), ni que les thèmes liés aux transports soient si nombreux. La problématique de la navigation par les boucles de la Seine, qui mettent Rouen à 240km de péniche de Paris alors qu'il n'y a que 177km à vol d'oiseau jusqu'au... Havre est bien évoquée. Si les effets du changement climatique semblent un peu trop survolés, la pollution, l'énergie, l'urbanisation bien sûr sont approfondis, pour faut-il le repréciser un des segments de vallée les plus denses et les plus productifs du monde. On regrette cependant les longues disgressions historiques, parfois intéressantes mais qui font perdre au lecteur la géographie.

VITRé

On ne peut pas nier que le petit livre de Pierre MEHAIGNERIE, qui est en fait une interview réalisée par le journaliste Yannick LE BOURDONNEC, Un modèle de réussite collective. Du pays de Vitré à la France, (tel est le titre officiel, Edition Ouest France, 2021, 95p) évoque une réalité régionale des Portes de la Bretagne. Et quelle particularité ! avec le 2ème taux de chômage le plus faible de France, un taux d'activité (76% des 15-64 ans) de 10 points supérieur à la moyenne française, le record de France de la proportion de revenus liés à la base productive (32%),  la communauté d'agglomération du pays de Vitré (46 communes, l'auteur parle essentiellement de ce territoire) est vraiment exceptionnelle. Son succès méritait une présentation et une explication. Dès lors, quel meilleur observateur de cette réussite que celui qui en fut la cheville ouvrière pendant des décennies ? Les faits sont donc bien exposés, mais les géographes seront un peu décus par la faiblesse des éléments de contexte, pourtant essentiels à cette réussite collective. Si les initiatives de marketing territorial, menées par l'auteur lui-même, ont porté leurs fruits dans cette région, cela s'explique en grande partie par les réalités qui ne sont pas évoquées. Démographie et culture (bon niveau de formation), niveau des prix du foncier, proximité de la mer (à moins d'une heure) sont aussi des facteurs d'explication. L'auteur semble ignorer que la politique d'attractivité par incitation à l'installation (comme la construction d'immeubles de bureaux par la collectivité qui ont été par la suite revendus à des entreprises) ne peut pas fonctionner partout. Dans une grande 2ème partie du livre l'homme politique qui fut leader du CDS et plusieurs fois ministre évoque son parcours de vie et ses convictions politiques de centre droit.

 

Atlas pays Basque

La présence de l'Atlas du Pays Basque de Guy LARRIVE (La Geste Editions, 2019, 95p) dans notre Bibliographie critique de géographie n'était pas une évidence. L'auteur démarre pourtant en précisant une réalité intéressante géographiquement : le pays Basque est à cheval entre 2 pays... mais il ne traite que la partie française, de manière très taxinomique : inventaire des formes d'architecture, inventaire des végétaux de la la région (une dizaine de pages), puis c'est un inventaire sans analyse ni interprétation des villes et communes, présentées sous forme d'une grille préétablie. 

BREZENTINE

Comme M Jourdain faisait de la prose sans le savoir, le journaliste Olivier NOUAILLAS fait, à travers son livre de 112p aux éditions du Rouergue, une géographie d'un bassin versant, celui de la petite rivière de 45km dans le département de la Creuse. Et, même s'il n'y a ni carte, ni photo, ni tableau de chiffres qui auraient définitement fait de son récit une vraie géographie, c'est une réussite. Il n'oublie ni les réalités physiques, ni les réalités sociales et paysagères. Le tout est un récit, puisque cette rivière, menacée de mort par la pollution, vit bien des aventures.

 

Alsace territoire WoessnerWOESSNER, Raymond, a écrit un excellent livre sur l'Alsace. Nous nous sommes régalés de découvrir, page après page, les analyses de l'auteur sur sa région. Entendons-nous bien : c'est là une analyse de géographie, et pas un patchwork d'histoire et de géographie à destination des gens qui vivent ou vont faire du tourisme en Alsace. Même si le livre ne compte pas d'illustration, R WOESSNER montre bien les atouts de la région, qu'il s'agisse du postionnement européen ou des nécessaires équipements comme le tant espéré le canal Rhin-Rhône sacrifié sur l'autel des bureaucrates parisiens. La présentation plus détaillée de ce livre passionnant viendra dès que nous retrouvons nos notes sur le sujet. L'Alsace, territoire en mouvement, éd. Do Bretzinger, 184p, 2009.

 

 

Atlas-de-l-AlsaceLe même auteur publie en 2019 un Atlas de l'Alsace . Atlande, 317p. Atlas... ou plutôt monographie, puisque ce que abonde dans ce livre, c'est le texte. 7 chapitres se suivent sans logique évidente, mais ils traitent de thèmes variés : le chapitre 1 "entrer et sortir" présente les mobilités de personnes et de matières à toutes les échelles (à ce titre la carte p 49 sur la place de l'Alsace dans les nouvelles routes de la soie est un thème à la mode mais bien peu convaincant). Puis l'auteur se livre dans le chapitre 2 à une critique des politiques régionales décidées par Paris ("découpages et collages à la française"). Le chapitre 3 porte sur le "destin" d'une région transfrontalière, et comme le reste du livre il présente beaucoup de disgressions sur le futur ... qui sont souvent des spéculations, comme le chapitre 4 qui cherche à identifier péniblement des "émergences économiques". Les chapitres 5 et 6 sont plus typiquement géographiques puisqu'ils évoquent le tourisme, la démographie et l'urbanisation. Le livre finit par un chapitre 7 sur le cadre de vie, et un peu sur développement durable, pour lequel l'Alsace serait bien placé ("la société idéale")

 

Woessner p257

p 257, l'analyse de l'évolution du paysage en Alsace est lumineuse. C'est dans ce dernier chapitre que l'auteur révèle le mieux sa fine connaissance et sa passion pour la région. Il part d'une approche culturelle certes traditionnel et rural (p234), puis intègre -un peu tardivement- l'analyse des relations hommes-milieux. Le tout sans oublier d'intégrer des thèmes nouveaux comme la carte de l'offre de soins.

Atlas Basse Norm

L'Atlas de la Basse Normandie de Pascal BULEON (2006) peut paraitre un peu dépassé : parce qu'il a plus de 10 ans, mais aussi parce qu'il parle d'une région qui n'existe plus (les 2 Normandies sont les 2 seules régions consententes à se marier lors de la loi "Notre" de 2015). Cependant, il est satisfaisant sur les aspects attendus, comme par exemple sur la nouvelle industrie rurale (partie II "une croissance impétueuse"... même si on regrette de trouver dans cette partie un peu beaucoup d'histoire), sur la place du nucléaire (p42), sur les particularités de la filière cheval (p70), sur les iles anglo-normandes (double page 100-101), sur le réseau particulier des petites villes (même si on aurait aimé aussi un sujet sur les espaces ruraux non polarisés... n'existent-ils pas ?).

 

 

Résidences secondaires Normandie

Dans les pages consacrées au tourisme, on trouve cette carte des résidences secondaires (p41). La couleur des communes est plus foncée quand leur proportion est forte. La carte montre bien, et c'est typique de cette (ancienne) région, les 2 déterminants de l'économie de la résidence secondaire : le littoral d'une part, et la proximité de l'agglomération parisienne d'autre part (à l'Est). L'atlas montre bien que la Basse-Normandie est travaillée par cette double dynamique (mer et proximité de Paris), en insistant parfois lourdement (notamment dans la partie I sur la situation de la région par rapport à son voisinage). L'insistance, voire l'obsession de la relation interrégionale et internationale revient dans la partie V ("horizon 2030") où dans le cadre d'une prospective géographique (écrite par l'auteur ou par les services administratifs de la région ?), on rêve de nouveaux aéroports, d'une énrome "métropole - parc" entre Rouen, le Havre et Caen... mais ces projets d'aménagements sont-ils partagés par tous les Normands ? Ces pages sont en effet aujourd'hui un peu désuètes : les aménageurs sont passés à autre chose. Au terme de cet atlas, on peut donc regretter que les dynamiques internes de la région ne soient pas un peu mieux vues.

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LASLAZ, Lionel, GAUCHON, Christophe, PASQUET, Olivier, Atlas de Savoie Mont Blanc. Au carrefour des Alpes, des territoires attractifs. Autrement, 2015. La préface, signée par les présidents des 2 conseils généraux, donne le ton à la fois sur le cadre géographique de l'étude (il s'agit d'un atlas des départements 73 et 74), et sur l'orientation un peu institutionnelle du livre (la page 76 sur l'excellence de l'université de Savoie Mont Blanc est une vraie publicité !). Malgré cela la structure de l'atlas dit bien les spécificités de cette région : juste après avoir présenté la situation démographique (ou plutôt le fort dynamisme démographique), les auteurs expliquent les exceptionnels prix du logement et du foncier. Ils entrent ensuite (à partir de la page 26) dans la problématique du franchissement montagnard, consubstancielle de la région, puis explorent les particularité de la production. Et la production c'est d'abord du tourisme, qui représente 20% du PIB. Les Alpes ne sont-elles pas, pour reprendre l'expression de Leslie Stephen de 1871, "le terrain de jeu de l'Europe" ? Ce tourisme donne parfois le vertige : la commune de Saint Martin de Belleville dispose de 58 000 lits pour 2900 habitants ! Celle de Sixt-Fer à Cheval est visitée par 350 000 visiteurs par an alors qu'elle n'a que 712 habitants ! le "moment de puissance" (puisque c'est ainsi qu'on mesure le débit de skieurs) de Val d'Isère est impressionnant avec 60 000 skieurs remontés d'un kilomètre de dénivellé chaque heure ! L'atlas de Savoie Mont Blanc n'oublie ni l'importance de la production d'énergie, ni les industries de pointe, ni les profils sociaux et politiques des populations qui font les 2 départements... Cependant, le lecteur restera un peu sur sa faim quand aux localisations (le fond de carte repris le plus souvent montre des couleurs pour les communes, mais ne les nomme pas). Au risque de paraitre récurrent, nous devons signaler que la problématique du développement durable est peu présente, de même que la mise en contexte, puisque peu de comparaisons avec des régions ou pays voisins sont faites. Signalons que l'ouvrage collectif sur la métropole parisienne, écrit en 2007 par Thérèse de St JULIEN et Renaud LE GOIX est présentée ici

Y a-t-il encore des monographies sur les villes ?

FREMONT PORTRAIT

C'est la mode des "atlas amoureux", puisque les rayons "bien être", "développement personnel" font fureur ces derniers temps... alors il faut commencer par un "portrait" si mal nommé. Armand FREMONT écrit bien, en 2 tomes, un dictionnaire des villes et des régions françaises. Et c'est passionnant. Les articles qui font entre 5 lignes et une page livrent les clés de compréhension des lieux évoqués, sans jamais tomber dans la grille d'analyse répétitive. Un modèle méthodologique pour faire de la géographie vivante. Finalement pas étonnant de la part de l'auteur de La Région, espace vécu

 

ToulouseToulouse, l'avion et la ville est écrit par JALABERT, Guy, et ZULIANI, Jean-Marc (2009), 345p. Disons-le clairement, on s'attendrait à un bon livre de géographie vue l'intérêt du sujet (l'interaction physique, sociale, entre une ville et une production)... mais le plan est hélas chronologique. Pas de plan, ni de carte non plus, il faudra se contenter d'un schéma de l'appareil productif. Pas de jeu d'échelles non plus, puisque l'on sait que la production aéronautique à Toulouse est directement dépendante de sous-traitants ruraux voisins (cf Figeac, Pau, Bayonne...), et de sa jumelle Bordeaux dans la région voisine. Mais ce n'est pas en énumérant ce qui n'est pas dans ce livre qu'on en présentera le contenu. Il montre bien au lecteur que l'aéronautique à Toulouse est plus une nébuleuse (faite de noms exotiques comme Latécoère, ATR, ENSICA, de "briques", de "systémiers"...) qu'une grosse entreprise connue (Airbus). Dans la partie 4, d'intéressantes comparaisons sont faites avec Seattle ("Toulouse n'est pas Seattle") et avec Hambourg ("Toulouse n'est pas Hambourg").

Lille

 

Lille Métropole en Europe et dans le monde, 130p, écrit par Michel FOUCHER, a été édité en 2018 par CNRS Editions. Voilà typiquement une monographie au service d'une collectivité territoriale (préface de Martine AUBRY) qui manque singulièrement de mise en perspective et d'esprit critique. On peut même se demander comment le CNRS a pu se compromettre à éditer cela... peut-être parce que Michel FOUCHER s'était compromis à l'écrire. Page après page, la démonstration tente d'être faite que Lille est la plus prometteuse des villes "en Europe et dans le monde", pour reprendre le titre de la couverture, bien qu'aucune comparaison ne soit faite avec les autres métropoles de son rang... sauf quand il s'agit de préciser que Roubaix héberge "le leader européen du cloud" (ce qui doit certainement apporter à la ville une prosperité infinie...) et que la MEL "est de loin la plus peuplée des 17 métropoles de droit commun" (p18). Les inventaires des écoles d'ingénieurs de la ville, ou des chaines de magasins dont l'origine est dans la métropole peuvent impressionner. Mais ils ne sont pas mis en rapport avec d'autres villes, ni mis dans le contexte de la présence ici de la famille Mulliez. Les données sociales et naturelles manquent vraiment. En résumé, on peine vraiment, dans ce livre, à entrer dans la ville et dans ce qui fait son quotidien, ses particularités, ses formes, bref, sa géographie.

 

TRAPPESOn pourrait s'étonner que Bibliographie Critique de Géographie s'intéresse à l'enquète de 2 journalistes mainstream, Ariane CHEMIN et Raphaëlle BACQUE (Albin Michel, 2018, 336p, pas d'illustration faut pas rêver !). D'autant que l'approche est plus sociologique que purement géographique. Mais il s'agit bien d'une monographie sur la ville de Trappes, cette enclave de pauvreté au milieu d'un territoire riche (l'Ouest parisien). Le titre, un peu énigmatique, laisse deviner que le livre va nous entrainer dans les arcanes des réseaux terroristes islamistes. C'est un peu vrai, puisque la ville a le record du nombre de départs (67) de jeunes jihadistes vers la Syrie, mais il n'y a pas que cela. La mise en contexte est assez intéressante : Trappes récupère une partie de la population du bidonville de Nanterre, elle est une caricature du communisme municipal des années 70 et 80, l'architecture et la disposition des quartiers, et jusqu'au positionnement des certains types de commerces sont décrits avec intelligence. Les auteurs, forcément, exploitent le filon de ce phénomène un peu paranormal qu'est l'amitié entre Nicolas Anelka, Jamel Debouze et Omar Sy (déjà évoqué dans ce reportage télé). Hasard ? Les journalistes ne répondent pas et c'est bien dommage (Trappes n'est-elle pas une sorte de "mini banlieue" sous les yeux de l'Ouest parisien donc accessible au show business ?). Les auteur.e.s se gardent bien également de condamner l'absence de réponses sociales aux maux de ce territoire de banlieue, comme si c'est la fatalité qui tombait sur ce territoire... mais limitons nos jugements, car ce livre a l'honnêteté de donner toutes les clés, références à l'appui, pour comprendre

 

Ville et rivières Fra

Villes et rivières de France n'est pas une synthèse, mais une série de 29 "portraits" de villes présentées dans leur rapport avec leur rivière. (la liste est ici) Les 3 auteurs (CARCAUD Nathalie, ARNAUD-FASSETTA Gilles, EVAIN Caroline, directeurs) livrent en ce livre le résultat d'un projet de recherche. Cela donne un gros livre doté de belles illustrations, y compris des dessins appelés  Pour chacune des 29 interactions villes/rivière le plan et le même : des données physiques sur la rivière au niveau de la ville (on regrettera que le volume d'eaux prélevées, et d'eaux usées rejettées ne soit pas estimé... de manière générale les données des agences de l'eau auraient pu être mieux exploitées), une histoire (même si, on n'en voit pas l'intérêt ici), une "carte utopique" qui fait penser aux pratiques du marketing territorial, ou aux images d'un dossier d'agence immobilière, c'est selon... Chaque chapitre est rédigé par une équipe locale. Le résultat est intéressant pour Amiens (avec ses incontournables hortillonages), intéressant pour l'Outre-mer. Mais au contraire, assez décevant d'autres, comme la Meurthe à Nancy.

Les outre-mers ont des logiques de fonctionnement différentes

C'est pourquoi les monographies peuvent être si diverses. Mais contrairement aux régions françaises, les ouvrages et la réflexion géographique y sont plus fréquents.

Guyanes

La Guyane a fait l'objet d'une thèse particulièrement bien pensée de la part d'un auteur qui s'est un peu arrêté là, et c'est bien dommage. Elle est éditée par Mappemonde, en 350p. En effet, Guyane, Guyanes d'Emmanuel LEZY part de l'idée, fort juste, que les Guyanes fonctionnent comme une île. La forêt les isole et elles ont un fonctionnement qui leur est propre. Il y a une économie horizontale, de proximité, du trafic, et une économie verticale, du transfert européen et de la fusée Ariane. L'auteur a la délicatesse de bien distinguer, dans son livre, la Guyane département français 973, de la Guyana, le Surinam... Ce livre a été édité en 2000, mais il ne vieillit pas. Pour en savoir plus notamment sur la forêt, on se réfèrera au livre de F-M LE TOURNEAU, présenté dans les récits de voyage

 

 

 

 

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